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La course à la gestion de la transition éclabousse la question de génocide.

Par G.Alexis Nizigama


 

La cohorte d’Arusha, tels des écoliers en choeur, clame à haute voix : la transition d’abord ! Personne ne se pose la question de savoir ce que va faire le gestionnaire de la transition dont l’outil et le programme restent ce qu’on appelle " l’accord d’Arusha ". Un texte touffu et plein plus d’erreurs que de voies de solution. Pour la majorité des partis Tutsi, l’urgence est la question du gestionnaire de la transition. Buyoya est jeté avec l’eau du bain tandis que Bayaganakandi est porté en lustre. De son côté les Hutu du G7 tiennent le même langage que les partisans de Bayaganakandi. Mais les objectifs sont divergeants et pour le G7, il y a lieu de soupçonner une certaine diversion.

 

Tout le monde à Arusha passe à côté de l’essentiel à savoir la question de génocide. Celui-ci est un contentieux de sang qui oppose les bourreaux et les victimes désignées. Ces dernières se retrouvent davantage dans le G10 tandis que les autres se retrouvent dans le premier groupe. Par abus de langage, les négociateurs ont voulu truquer le différend en le transformant en conflit hutu-tutsi alors qu’il est un conflit opposant des génocidaires hutu regroupés dans le G7 contre des Hutu et des Tutsi opposés à l’idéologie génocidaire et à sa pratique.

 

Le déblocage de la question de l’accord d’Arusha pour sa mise en application est sur le point d ’aboutir en dépit des résultats auxquels on va atteindre. Les négociateurs d’Arusha tiennent à leur transition, c’est -à-dire au gestionnaire de celle-ci et le reste de l’accord peut être reconduit comme tel malgré les incohérences déconcertantes qu’il contient. Ils se limitent au déblocage ponctuel qui ouvre une vanne tout en laissant les autres fermées. La question de génocide ne tardera pas à faire sauter les autres vannes et l’accord d’Arusha se bloquera encore à nouveau. La paix sera encore une fois compromise et le gestionnaire plébiscité dans ces circonstances aura à compléter les responsabilités historiques dramatiques du président actuel et les deux pourront marquer d’une pierre noire le panthéon des chefs d’Etat burundais.

 

Un déblocage artificiel par un rafistolage incongru

 

Le déblocage de l’application de l’accord d ’Arusha passe par la correction de certains articles pour qu’ils n’empêchent pas, sur le plan chronologique et sur le plan institutionnel, la mise en application de l’accord. Les négociateurs d’Arusha visent plus la forme que le fond. C’est ainsi qu’avant leur départ pour Arusha le 24 novembre 2000, les négociateurs ne cessaient d’avancer que les réserves apposées le 28 août 2000 sur l’accord étaient presque toutes levées. Comment ? Pas de réponse.

 

On s’interroge alors pourquoi les éléments du G10 avaient fait passer des heures et des heures le roi du monde, M. Bill Clinton, dans la salle de conférences d’Arusha pour qu’il les attende jouer leur comédie d’élaborer des réserves sans lendemain. Aujourd’hui, pressés pour avoir un président de plus, ils font tout pour céder et rafistoler quelques recettes sur le plan de la forme afin que l’accord d’Arusha se débloque et ouvre la vanne des postes dits " juteux ".

 

Ils laissent ainsi passer la question de génocide et on va couler dans une formule incongrue le chapitre de génocide pour apparaître sous une nouvelle phraséologie qui n’inquiète pas les génocidaires devenus des partenaires de leurs victimes.

 

 

C’est donc un déblocage artificiel puisqu’il ne touche pas sur l’essentiel de ce qui bloque objectivement l’application de l’accord, à savoir le génocide et son idéologie et leurs implications objectives dans l’application de l’accord. Le rafistolage incongru auquel on recourt va se révéler être un échec de plus aussitôt mis à exécution l’accord d’Arusha, car le programme d’Arusha est une consécration du génocide dans la gestion du pays. Cela ne se fait pas sans compromettre le pays.

 

 

La gestion de la transition : une obsession inutile

 

 

La gestion de la transition est devenue une obsession inutile. Cette obsession se retrouve dans les deux camps : le G7 et le G10.

 

Du côté G7, cette obsession est remarquable mais peut être nuancée. Si l’on s’en tient à la candidature de Monsieur Domitien Ndayizeye, on comprend que le groupe Frodebu est obsédé par cette candidature. Mais les autres partis inconditionnellement alliés au Frodebu n’ont pas encore dit leur dernier mot. De plus, le CNDD de Nyangoma très réservé, a lâché du bout des lèvres la candidature de Monsieur Albert Mbonerane. Même Minani n’a pas encore lâché son dernier mot. Il n’a pas encore révélé ce qu’il s’est dit avec Buyoya au Malawi du 22 au 24 novembre 2000. D’où il y a lieu de penser que la candidature de M. Domitien Ndayizeye est une diversion pour bien observer le camp Tutsi du G10 dans ses déchirements internes graves et pour bien le précipiter.

 

Pour ce faire, il y a lieu de nuancer la volonté de présenter un candidat de la part du G7. Et si leur candidat était Buyoya? Celui-ci ne manque pas d’atouts pour ce groupe qui l’a vu à l’œuvre depuis plus de 10 ans. C’est Buyoya qui a permis que les organisations hutu acquièrent la stature qu’elles ont aujourd’hui :

 

- 1988 : Ntega - Marangara éclate et le génocide est essayé avec brio dans ces deuxcommunes. Buyoya amnistie les responsables de ce génocide. Des conciliabules entre son gouvernement et des éléments du Palipehutu sont menées.

 

- 1990 : Buyoya fait infiltrer le parti UPRONA par des éléments du Palipehutu au Congrès élargi de ce parti en décembre 1990.

 

- 1991 : Même action de génocide à Bujumbura, Bubanza et Cibitoke. Le Président Buyoya devrait rencontrer le leader du Palipehutu le 24 novembre 1991 en France sous la supervision de deux évêques Monseigneur Bududira et Monseigneur Ndoricimpa. Les auteurs de ces crimes ne seront pas inquiétés et les résultats des enquêtes promises par son gouvernement ne verront jamais le jour.

- 1992 : Buyoya laisse agréer le Frodebu malgré les protestations publiques qui s’insurgent contre la violation, et de la charte de l’Unité Nationale et de la Constitution de 1992.

 

- Avant juin 1993 : Le parti Frodebu s’illustre par son défi lancé à la loi : il propage la violence impunie et la désobéissance civile dans le pays et Buyoya laisse faire.

 

- Octobre 1993: Le Frodebu que Buyoya avait installé le 10 juillet 1993 au pouvoircommet le génocide. Buyoya ne sortira aucun mot pour appeler à l’apaisementprendre ses responsabilités et rétablir l’ordre au moment fort du génocide. Il reviendra en juillet 1996 quand le Frodebu et son système allaient éclater.

 

 

- Juillet 1993 : Buyoya revient après avoir assisté à la descente du pays dans l’enfer. Ildisait qu’il venait pour une action de sauvetage du pays, mais il refusa de toucher au responsable de la situation à savoir le Frodebu. Il refusera de condamner lerégime qu’il venait de renverser et au contraire, renforcera le Frodebu qui n’était que l’ombre de lui-même. Il appellera même ce parti et ses milices aux négociations qui viennent d’aboutir aux accords d’Arusha et qui blanchissent les génocidaires et remettent entièrement le pays aux bourreaux du peuple burundais.

 

 

Avec de telles actions en faveur des partis du G7, ces derniers seraient ingrats s’ils ne lui accordaient pas la gestion de la transition. Ils savent bien qu’il est le seul à pouvoir la gérer à leur guise et qui leur remettra un système à eux bien assis qu’ils acquerront par les urnes organisées et taillées à leur mesure, c’est-à-dire à la proportionnelle ethnique. Un autre candidat Tutsi ne ferait pas ce que Buyoya a fait et fera pour les organisations ultra-hutu du G7.

 

Du côté G10, la scène comique qu’on joue va tourner au tragique. Les partis du G10 se déclarent sur la cime être des hommes du changement .Une comédie en somme. Ils insistent pour que commence la transition mais ne s’interroge jamais sur le programme de la transition qui ignore totalement le règlement de la gestion de génocide. Cette dernière n’est plus leur préoccupation et ils en parlent du bout des lèvres sans conviction. La révision de l’accord en écartant la question du génocide est troquée contre l’urgence d’une transition pour laquelle ils sont obsédés. Ils oublient totalement le sort des leurs qui sont victimes des organisations génocidaires du G7. Leurs candidats sont appelés à appliquer un programme qui les phagocyte, eux et les leurs. Vont-ils passer? Wait and see.

 

 

La question de génocide éludée : une bombe qui va exploser.

 

 

En débloquant l’application de l’Accord d’Arusha par l’ouverture des vannes qui donnent les gestionnaires de la transition tout en escamotant la question du génocide, on laisse ouverte la vanne qui fera exploser la bombe qu’est cet accord. Celui-ci restera un chiffon de plus dans la lignée des convention de gouvernement et partenariat politique intérieur. La violence ne cessera pas pour autant parce que les auteurs de la violence auront les coudées franches à poursuivre le génocide grâce à la couverture acquise par l’accord d’Arusha.

 

Va-t-on oublier milliers d’enfants, de femmes, de vieux, etc...tués ici et là dans le pays par le Frodebu et ses alliés Palipehutu, CNDD et Frolina? Va-t-on laisser impunis les pogroms de Kibimba, Butezi, Ryansoro, Rukina, Teza, Bugendana, Buta, etc...au nom de l’application de l’accord d’Arusha et pour avoir un président de la République de plus et des postes, juteux soient-ils?

 

En passant l’éponge sur tous ces crimes en vue d’appliquer l’accord d’Arusha et d’avoir un président, soit-il du G10 est la meilleure façon de placer une bombe sur la voie de la paix et qui ne tardera pas d’exploser. Les victimes et les victimes désignées des organisations terroristes génocidaires du Frodebu et ses alliés auraient une courte mémoire. Chacun a droit de veto sur sa vie devant le danger absolu d’extermination : il doit réagir par tous les moyens ou se laisser béatement mourir. La première voie est la résistance à l ’application de l’accord d’Arusha tandis que la deuxième est la voie empruntée par la course au clocher pour la gestion de la transition en rafistolant l’accord d’Arusha et en éludant la question de génocide. Dans tous les cas, pour les victimes désignées du génocide amnistié à Arusha, l’accord signé le 28 août 2000 reste un chiffon de plus qui ne peut pas asseoir la paix au Burundi. La responsabilité est grande pour les négociateurs d’Arusha et surtout pour les partis du G10.

 

 

G.A. N.


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