Le règne de Mwezi Gisabo
(1850-1908) 
Sommaire

0 Introduction

I Organisation politique et  administrative

              A Le Roi
              B L'aristocratie politico-adminstrative des Baganwa
             C L'aristocratie politico-ritualistes des Abanyamabanga

                      1 Les Baganuza et les Banyange-Biru
                      2  Les Banyange-Biru
                      3  Les devins et les dignitaires royaux
                      4  Les responsables des cultes royaux

               D La classe des adjoints et auxiliaires du pouvoir

                     1 Les chefs non Baganwa
                     2 Les notables de collines ou Bashingantahe
                     3 Les fonctionnaires attachés à la cour
               E  Le peuple ou les couches des Banyagihugu

 II Difficultés internes

       A Révolte de Twarereye 
       B Crise de régence 
       C Les rebelles 

III Difficultés externes

 A Aléas climatiques

 B Les épidémies
 C Les chiques
 D Raids des Ngoni à l’Est 
 E  Attaque de Mirambo au Nord-Est en 1884
 F Tentative de pénétration des esclavagistes de Rumaliza
 G Les premières intrusions européennes: les explorateurs et les missionnaires.
   1 Richard Burton et John Hanning Speke en 1858: 
  2 David Livingstone et Henry Morton Stanley en 1871: 
  3 Oscar Baumann. 
  4 Les missionnaires

 

 

0 Introduction
Mwezi Gisabo succéda à son père Ntare Rugamba à l’âge de quatreans environ.Son règnea pu se présenter dans la mémoire populaire commel’apogée du Burundi précolonial. Après un demi siècle, lesfrontières conquises par Ntare Rugamba semblaient définitivement garanties, le système politique dirigé par le Mwami semblait rodé. La prospérité économique permettait une certaine croissance démographique.
I organisation politique etadministrative du royaume
Vers la fin du XIXème siècle, le royaume du Burundi a atteint son apogée. Le système politique mise en place parallèlement à l’expansion territoriale réalisée par Rugamba fonctionna durant un demi siècle sous le règne de son successeur, Mwezi Gisabo. De nombreuses études récentes permettent de souligner l’originalité de ce royaume par rapport aux royaumes voisins.
Les fonctions administratives et les institutions se sont modernisées avec le temps. L'organisation administrative ressortait cinq échelons hiérarchiques et se présentaient de la manière suivante:
A Le Roi
Le roi ou Mwami était lui-même la source du pouvoir du pays, doté de qualités surnaturelles, censé être né avec des semences de principales plantes du pays. Il incarnait la loi et la coutume .Sa fonction principale était celle de juge suprême.
Le roi nomme les chefs des provinces en tenant compte des liens de parenté et des relations personnelles de chaque chef.
Il présidait à sa cour un tribunal nommé Ururimbi qui connaissait en appel toutes les affaires importantes du pays: litiges fonciers ou pastoraux les plus graves, conflits entre chefs, homicide et ensorcellement ayant entraîné des vendettas sans fin. Le Mwami assurait ces arbitrages à l’aide des grands notables dits Abanyarurimbi. C’est parmi ces notables que se recrutaient aussi ses principaux conseillers en matière politique. Mwezi Gisabo était conseillé par ses fils et des notables parmi lesquels il y avait desBahutu et des Batutsi. Tous ces notables étaient l’expression d’une institution fondamentale de l’ancienne société burundaise, celle des Bashingantahe. 1Au niveau de chaque colline, l’autorité morale et judiciaire était tenue par ces Anciens. Le mot “Bashingantahe signifie “ceux qui plantent la baguette”, à cause du petit bâton “intahe” qu’ils frappaient sur le sol lorsqu’ils instruisaient les litiges.
Le Mwami présidait des cérémonies publiques comme l'Umuganuro. Il suivait un rituel et des mécanismes définis par les BAGANUZA spécialisés dans la préparation de cette fête.
Le roi représentait aussi le pouvoir législatif mais toutes les lois qu'il édictait s'inspiraient de la coutume. Par son pouvoir coercitif, le roi écarte les princes baganwa qui ont une mauvaise réputation , condamne ou pardonne les malfaiteurs.
Le roi conduit la guerre. Il est à la tête des troupes les plus puissantes du pays.
B L'aristocratie politico-adminstrative des Baganwa
Ce sont les chefs qui dirigent des provinces avec de nombreux assistants à leur service, choisis souvent dans les lignages importants de la province. Ils ont des pouvoirs immenses et se comportent comme de véritables roitelets dans leurs circonscriptions.
A la fin du XIXe siècle, on a connu de grands chefs comme KANUGUNU, RURAKENGEREZA, COYA, BUSUMANO. Ils exerçaient un contrôle du droit foncier: droit d'installer (ukugerera) des fidèles ou d'expulser (ugusohora) des insoumis, des cas de sorcellerie, d'agression contre le chef lui-même ou contre Kiranga pour la rupture des interdits familiaux graves, pour avoir semé le sorgho avant le Muganuro... En réalité, les chefs usaient de ce droit avec retenu car ils n'avaient pas intérêt à provoquer la fuite de leurs sujets chez d'autres princes rivaux.
Chaque chef était le garant de la justice dans sa circonscription. Sa résidence était le chef-lieu du tribunal du chef, nomme SENTARE qui s'occupait des affaires les plus graves au niveau provincial. Deux questions revenaient souvent: l'homicide et la sorcellerie.
A l'instar du Mwami, les Baganwa possédaient à la cour un groupe de guerriers (Urutorere rw'umuganwa) qui le protégeait lui et sa population. Ces armées donnaient à l'aristocratie une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir central.
En cas de guerre, la conduite des armées était assurée par les Baganwa réputées pour leurs qualités militaires comme Ntarugera.
C L'aristocratie politico-ritualistes des Abanyamabanga
Les Abanyamabanga ou "dépositaires des secrets" maîtrisaient des règles sur lesquelles se fondaient la vie de la nation. Leur rôle avait un caractère permanent qui se trouvait dans un cadre lignager car ils se trouvaient dans le clan des Bajiji. 
Les trois principaux groupes sont:
- Les Baganuza et les Banyange-Biru. Ce sont des dépositaires des secrets d'Etat.
- Les devins et les dignitaires royaux
- Les responsables des cultes royaux
1  Les Baganuza et les Banyange-Biru
Les Baganuza sont des organisateurs de la fête des semailles du MUGANURO et appartenaient en majorité au clan des Bajiji. Ils habitaient les domaines rituels du Nkoma du Kirwa, de Mugamba et du Burunga. Ils sont les seuls spécialistes des rites et des techniques à suivre pour l'umuganuro ainsi que certains rites pour l'intronisation d'un nouveau roi. Ils étaient aussi fournisseurs du sorgho rituel et d'autres produits (bananes, miel, colocases, houes, sel). Ils étaient de véritables maîtres du Muganuro.
2  Les Banyange-Biru
Ce sont des conservateurs des souverains et des reines-mères. Ils étaient spécialisés dans des rites à suivre lors des funérailles des rois et des reines-mères et s'occupaient aussi de leurs tombeaux.
Ces conservateurs vivaient dans le Nkiko-Mugamba pour les rois et ceux des reines-mères vivaient à Makamba dans la province Mwaro.
Les deux groupes de ritualistes étaient frappés d'un interdit: Ils ne pouvaient jamais voir un roi ou une reine-mère de leur vivant et ne se rendaient à la cour qu'au moment du deuil national.
3  Les devins et les dignitaires royaux
La cour royale comptait beaucoup de devins sous le titre des "Abapfumu" parmi lesquels figuraient des spécialistes du surnaturel, chargés de trouver des solutions aux maux et aux incertitudes tant politiques que personnelles qui pouvaient atteindre le roi , sa famille et son pouvoir. Il y avait des experts en divination mais aussi des praticiens de la santé. Les devins étaient principalement des Bahutu. En revanche, les sacrificateurs des taureaux pour le Muganuro appartenaient aux lignages HIMA des BAGARA et des BASIGI. Outre ces spécialistes, beaucoup des fidèles du roi initiés au Kubandwa (IBISHEGU) pouvaient être consultés à ce titre en cas de difficultés.
L'ensemble des hommes des secrets jouaient un grand rôle dans la marche du royaume. L'Etat était organisé dans la conscience des gens autour des forces du sacré. Pour détruire les institutions monarchiques, le régime colonial livra une guerre sans merci contre les Banyamabanga, garants de la continuité idéologique de la communauté politique burundaise.
4 Les responsables des cultes royaux
Un véritable culte était voué au tambour "Karyenda" conservé à proximité de la cour. Une vestale choisie dans le lignage desBASHUBI, MUKAKARYENDA, devait l'enduire régulièrement de beurre.
Un autre tambour qui présidait aux destinés du royaume s'appelait "RUKINZO" (Grand bouclier). Il accompagnait le Mwami dans ses déplacements.
A la cour, il était battu par des veilleurs particuliers (ABARAMUTSA) recrutés notamment dans le lignage des BASENGO qui avaient aussi le privilège de fournir des bouffons du roi. Ils avaient la faculté de prononcer impunément des paroles diffamatoires et des insultes à l'endroit du roi.
Le culte de Kirangaétait représenté à la cour par une vestale issue également des Bashubi, (MUKAKIRANGA). Le mwami quant à lui était considéré comme le frère de Kiranga et ne pouvait être initié, mais les princes pouvaient l'être.
De surcroît, on rencontrait à la cour d'autres cultes comme le culte des animaux: ils étaient représentés par des taureaux dynamiques (INGABE) tels que SEMASAKA, SEMAHONDA, MUHABURA, NDAMWIGINE. Ils étaient également représentés par des moutons, RUTENDERI ou MUDENDE. Il y avait aussi des chèvres sacrées comme RUTAGARI et RUSASU ainsi que la vache stérile SAVE qu'on confiait à MWUGURUZIWURUNYONI qui parcourait le pays pour annoncer l'avènement d'un nouveau Mwami. Le chien KABWA était gardé par MUJAWIBWAMI, une vestale réputée pour son manque de pudeur. Elle repoussait la foule lors de la fête des semailles en ôtant publiquement ses habits.
D  La classe des adjoints et auxiliaires du pouvoir
1  Les chefs non Baganwa
Ce sont de simples citoyens nommés par le roi, indépendamment du lignage et du clan auquel ils appartiennent. Ils ont le même titre que les Baganwa. On les appelle des BATWARE. On distingue deux groupes de Batware: BATWARE NKEBEet les BISHIKIRA. 
Les Nkebe étaient affectés dans les provinces périphériques et les Bishikira dans les domaines du Burundi central (IVYIBARE).
Les Batware Nkebe administraient aussi des régions en dehors des domaines royaux qui échappaient à la mainmise des Baganwa. Ils se rendaient régulièrement à la cour du Mwami et participaient chaque année au Muganuro. Ils disposaient même des prérogatives judiciaires, militaires et fiscales que les chefs Baganwa.
A la fin du XIXèmesiècle, les Batware Nkebe se partageaient toute la région occidentaleet le nord-est.
Quant aux Bishikira, ils étaient nombreux sur de grands domaines royaux de la région de Muramvya. Ils recrutaient la main d'oeuvre pour les travaux agricoles sur les terres du Mwami et pour l'entretien ou le renouvellement des cultures du Mwami.
2 Les notables de collines ou Bashingantahe
Ils exerçaient leur autorité au niveau de chaque colline habitée. Ils intervenaient dans les domaines intéressant la colline: querelles de propriété, d'héritage ,de succession... Ils participaient à l'organisation des fêteset des cérémonies de la colline (naissance, mariage, décès, investitures d'autres bashingantahe (Kwatira).
3  Les fonctionnaires attachés à la cour
Il y avait à la cour un personnel spécialisé dans différents secteurs de la vie sociale et politique: conseillers politiques et juridiques. Il y avait aussi des guerriers permanents, des femmes attachées à la cour (les INCOREKE; ABAKAMAKARE), des fonctionnaires liées à la vie matérielle. Les trayeurs (ABAKAMYI), les bergers (ABUNGERE), les cuisiniers (ABAKAMYI), le personnel de garde et d'entretien. les veilleurs de nuit (Abateramyi) les ramasseurs des bois de chauffage (Abashenyi), des porteurs d’eau (Abavomyi), les ramasseurs de bouse (Abakutsi)...
E  Le peuple ou les couches des Banyagihugu
Il s'agit du reste de la masse non attachée à des fonctions mentionnées. On distingue dans cette masse des éleveurs (ABOROZI) dont l'activité principale était l'élevage, des agriculteurs (ABIRIMIZI) exploitants agricoles et les artisans (ABANYAMYUGA) dont les produits étaient recherchés par les gens.
II Difficultés internes
Malgré laperformance dans l’organisation socio-politique du royaume du Burundi au milieu du XVIIIes , le règne de Mwezi Gisabo connut aussi des difficultés aussi bien internes qu’externes.
A Révolte de Twarereye
Dès son intronisation, le pouvoir de Mwezi Gisabo fut d’abord contesté par son demi-frère Twarereye qui prétendait qu’il était héritier du trône. En effet, Ntare avait choisi son fils Twarereye pour lui succéder au trône. Mais des membres de la famille royale, jaloux de ce dernier, s’employèrent à ce queNtare engendrât un autre héritier du trône Mwezi Gisabo, appelé encore Bijoga ou Gisonga.
Twarereye refusa de reconnaître Gisabo. Ilprit les armes et s’empara des capitales royales au centre du pays. Le régentNdivyariye, un fils influent de NtareRugamba dû fuir au sud du pays avec le jeune roi. Les princes Rwasha et Birori, frères de Ndivyariye vinrent à la rescousse. Les troupes de Twarereye furent battues à Nkondo, dans l’actuelle province de Muramvya. 
B Crise de régence
Ndivyariye était le prince le plus puissant durant les années 1850-1860. Devenu majeur, le roi Mwezi Gisabo s’inquiéta de la puissance de son ancien tuteur. Avec l’appui des princes Rwasha et Birori, Mwezi brisa son pouvoir. Ndivyariye serait mort, tué dans des circonstances qui n’ont pas été élucidées dans la tradition. Il aurait étévictime d’un complot organisé à la cour royale. De ce conflit est né unevéritable vendetta entre les descendants de Mwezi et ceux de Ndivyariye d’où l’appellation “conflit entre Bezi (descendants de Mwezi) et Batare (descendants de Ntare)” Vers les années 1870, des conflits opposeront les princes Batare installés à l’Est du pays et les princes Bezi qui contrôlaient le centre du pays.
C Les rebelles
Les souvenir de Twarereye a inspiré tous les opposants qui cherchaient à dénoncer Mwezi un usurpateur du pouvoir. Cinq de ces rebelles sont connus:
- Rwerekanabirenge au nord-est.
- Bihindaà Banga (dans l’actuelle province de Kayanza)
- Biroro(début des années 1890) au sud de la plaine de la Rusizi
- Rwoga: dans les années 1870, il menaça gravement le pouvoir de Mwezi Gisabo au sud du pays car il y trouva l’appui de certains princes Batare.
- Kibango: qui surgit plus tard dans les années 1890 au nord du pays. Il était réputé pour ses pouvoirs magiques et la terreur qu’il inspira aux chefs fidèles à Mwezi. Il fut surnommé Makaza, c’est-à-dire en quelque sorte, une bête sauvage.
- Kirima, originaire du Bushi, qui prétendait être l’héritier du trône du fait qu’il se disait issu de l’union entre Ntare Rugamba et sa mère Nyamvura lors de l’expédition de Ntare Rugamba au Bushi. Kirima sera reconnu comme roi par les Allemands au début du XXème siècle.
- Maconco: du clan des Benengwe, Maconco était gendre du roi. Il sera en conflit avec le roi à cause d’un chien, Rurebeya appartenantà Maconco mais qui fut réquisitionné par le roi. Maconco entra en rébellion et aura le soutien du colonisateur allemand, chef de la station militaire d’Usumbura Von Beringe. Son successeur Von Grawert reçut l’ordrede protéger le roi et tua Maconco en 1908. Il déporta Kirima à New Languenburg au Malawi.
III Difficultés externes
A Aléas climatiques
Les perturbations climatiques des années 1880 ont fortement perturbé la production agricole créant des famines et des disettes.
B Les épidémies
Vers les années 1890, le Burundi fut frappé par diverses maladies contagieuses qui provoqué beaucoup de dégâts humains. Il s’agit de la variole Igituta, Akaranda, Ubushita, de la grande épizootie ou la peste bovine (umuryamo, agahembe) qui a décimé le bétail en 1891-1892. 
C Les chiques
Les chiques (sarcopsylla penetrans), appelés imvunja ont pénétré dans la région des grands lacs en 1892. Des gens furent estropiés ou même moururent à cause de ce parasite.
D Raids des Ngoni à l’Est
Aux environs des années 1890, le Burundi subit à l’est dans le Buyogoma des attaques des guerriers terribles que les colonisateurs appelaient des Batuta. Les Barundi les appelaient Ababwibwi, c’est-à -dire, les pillards, les barbares. Il s’agissait en effet d’un groupe de Ngoni qui ont lancé des attaques contre le Buha et le Burundi suite à la révolution politico-militaire zulu, lancée par Tchaka au début du siècle. Le Burundi ne pouvait plus échapper aux contrecoups des grands événementsqui agitaient l’Afrique australe et orientale.
EAttaque de Mirambo au Nord-Est en 1884
Mirambo est un des chefs Banyamwezi se trouvant à l’est du Burundi, un peuple ayant joué le rôle d’intermédiaires commerciaux entre la cote swahili de l’océan indien et la région des grands lacs. En 1884, il a livré la guerre à Mwezi Gisabo au nord-est. Malgré leurs fusils, les guerriers de Mirambo, (les ruga-ruga) sont repoussées par ceux du prince Rurakengereza à Murore (à l’Est de Cankuzo). Les traditions Nyamwezi rapportent sur cet événement que 1700 vaches auraient été razziés, mais elles reflètent un souvenir terrifié de l’efficacité des archers Barundi. La disparition de Mirambo a mis fin à cette menace la même année.
F Tentative de pénétration des esclavagistes de Rumaliza
Mohamed bin Khalfan était un traitant arabe d’origine zanzibarite installé à la côte du lac Tanganyika à Ujiji. Mais il a bâtit sa fortune sur les razzias, la guerre et la politique plus que sur le commerce proprement dit. Cette action lui valut le surnom de Rumaliza, “celui qui achève”. Il menaça l’intérieur du Burundi au début de 1886 lorsqu’il tenta de franchir la crête de l’est à Uzige (plus ou moins l’actuel Bujumbura). Les fusils de Rumaliza échouèrent devant l’habileté tactique des guerriers Barundi qui; profitant des laps de temps séparant chaque salve, attaquaient les tirailleurs au moment où ils rechargeaient les armes. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le Burundi laissa d’amers souvenirs aux traitants zanzibarites.
G Les premières intrusions européennes: les explorateurs et les missionnaires.
Avant que le Burundi ne fût intégré au “protectorat” allemand de l’Afrique orientale, d’abord sur le papier en 1890, puis dans les faits à partir de 1896, il avait vu surgir des Européens. Avant d’être identifiés culturellement sous le nom de Bazungu, ces derniers ont été perçus comme d’étranges “monstres”, “Ibisuka”. Les explorateurs sont:
1 Richard Burton et John Hanning Speke en 1858
Il s’agit de deux britanniques , anciens officiers de l’armée des Indes. Ils étaient en quête de la géographie des “sources du Nil” et d’informations économiques et politiques sur l’Afrique centrale. Ils visitèrent le littoral du lac Tanganyika . Ils accostèrent dans la plaine de Nyanza en avril 1858 pour se rendre ensuite à Uvira.
2 David Livingstone et Henry Morton Stanley en 1871:
Stanley, un journaliste américain quieffectuait un grand reportage pour le New York Herald rejoignit Livingstone à Ujiji en Novembre 1871: De là, les deux hommes longèrent toute la côte du Burundi jusqu’au delta de la Rusizi, s’arrêtant près des sites actuels de Nyanza, de Rumonge, de Resha, de Mugano, de Magara, de Kabezi et sur la rive droite de l’embouchure de la Mugere (en face de l’endroit où a été édifié plus tard la “pierre de Stanley”)
3 Oscar Baumann.
L’autrichien Baumanntraversa le Burundi en septembre 1892. Il effectuait une mission du Comité anti-esclavagiste allemand dont l’objectif était de prospecter l’itinéraire d’un futur chemin de fer entre la côte et les lacs. Oscar Baumann se heurta ici et là à des résistances armées des fidèles de Mwezi Gisabo. 
4 Les missionnaires
Les quatre premiersPères Blancs, Toussaint Deniaud, Théophile Dromaux, Henri Delaunay et Joseph Augier, vont dès juillet 1879 s’installer chez le chef Rumonge. Ils ont été attirés au Burundi par la prospérité et le peuplement du pays et par la faiblesse des influences musulmanes.
Entre 1896 et 1898 les autres missionnaires qui , autour du père J.M.Van der burgt, entreprirent de pénétrer dans le pays par l’Est (en fondant au Kumoso la mission de Misugi, déplacée ensuite à Muyaga suite à l’hostilité des chefs locaux fidèles à Mwezi Gisabo. Ils ne durent leur salut qu’à la conquête allemande.

1Comment devient-on Mushingantahe ?voir Juvénal Ngorwanubusa in “Institution des Bashingantahe et le bel idéal universel de l’”honnête fomme” publié dans “Relecture des écrits sur le Burundi. Nouvelles perspectives de recherche; Mélanges offerts à Jean-Baptiste Ntahokaja, Etudes réunies et présentées par Tharcisse Nsabimana, université du Burundi, juin 1994, pp 51-67.
“Au commencement, il y a une masse indifférenciée de jeunes gens non ou récemment mariés, en tout cas non encore au fait des secrets des “Bashingantahe” dits “Abakungu”... Bien qu’il ne soit pas interdit d’investir des jeunes gens..., il y a cependant corrélation entre l’âge et la sagesse. En tout état de cause, il serait inconcevable qu’un candidat âgé de moins de la trentaine soit reçu dans la prestigieuse “gerousia” des Bashingantahe.
Puis, ces hommes ordinaires émergent peu à peu des figures stratégiques en possession de leurs moyens, pouvant par conséquent, légitimement et utilement prétendre au “Bushingantahe”. 
Le candidat, dûment appuyé par un tuteur, qui a préalablement accepté de lui servir de maître initiateur (guheka), adresse sa demande aux “Bashingantahe” du voisinage et de la parentèle , l’occasion d’une fête préliminaire dite “kuja mu mutamana”. “Vous sentez bon” (mumotera neza), leur dit-il sans ambages, je souhaiterai être des vôtres. A l’issue du cette cérémonie, le candidat est déclaré “porteur du manteau” d’aspirant à l’Ubushingantahe-Umunyamutamana-appelé aussi “umuganantahe” dans certaines régions ... Ce premier diplôme est distiné à encourager le candidat à se conformer aux enseignements des Bashingantahe déjà constitués, à dominer ses passions, ses comportements et ses agissements, pendant une période probatoire de transformation plus ou moins lente de l’individu et de la conquête de soi. Pendant ce temps, l’aspirant sera bien inspiré d’adopter un profil bas dans ses rapports tant avec les “Bashingantahe “ qu’avec le menu du peuple. Toute extravagance, tout écart de langage, toute violation d’un quelconque prescrit de la tradition, pourrait reporter sine die la cérémonie d’investiture... Enfin la date de l’investiture arrivée, les Bashingantahe, en grande tenue se présentaient chez le candidat. C’est l’ambiance des grand jours. Après s’être abondamment désaltérés, les Bashingantahe, avec à leur tête, le tuteur du candidat, prennent la parole à tour de rôle, prodiguent à l’aspirant des conseils judicieux ayant trait à la charge qu’il l’attend et au schéma éthique qui lui convient. “Tu n’est plus un enfant, lui disent-ils, tu es désormais dans le secret des Bashingantahe, tu viens d’avaler le “caillou” de la sagesse (uramize akabuye k’abagabo”. Où que tu seras, en tout lieu et toute circonstances, tu tranchera tous les conflits et chicanes entre individus ou groupes, sans te dérober et en tout cas en bannissantle népotisme sous toutes ses formes et manifestations”.Après quoi, ils font tenir le bâton “intahe” à l’impétrant qui remercie “les bashingantahe” de l’avoir accepté dans leur giron, en frappant le sol avec le bâton dont il use ainsi pour la première fois”
Attributs moraux d’un Mushingantahe
1. Il ne crie pas quand on l’a blessé tant au moral qu’au physique;
2. Il ne se querelle pas; ou il agit (et se venge) ou il méprise;
3. Il refuse d’être confronté à qui dit du mal de lui; 
4. Lui-même ne médit pas;
5. Il ne renie pas les paroles qu’il a dite
6. Il ne manque pas de politesse envers l’homme dont il sait l’inimitié et les mensonges, il ne confond, n’humilie celui pour qui il n’a aucune considération;
7. Il reste correct dans la colère;
8. Il peut se contenir, étant maître de lui-même;
9. Ce qu’il possède, il le partage avec les autres;
10. Il sait connaître une chose et par délicatesse, feindre de l’ignorer si un autre vient l’en informer; 
11. Il n’est pas envieux des biens d’autrui; 
12. Il ne critique pas celui qui l’envie ni ne se moque de lui.
Précédent
Index