Il nous semble intolérable de continuer à entendre presque tous ces derniers jours du mois d’aout 2014-, à travers les medias, les pays vainqueurs sur l’Allemagne, commémorer et pleurer tout seuls leurs morts, sans daigner y associer les pays africains et encore moins le Burundi, ensuite de rester continuellement amorphe comme si les blessures laissées par cette guerre avaient été cicatrisées. On sait guerre bien qu’elle se soit déroulée au départ en Europe, elle a connu la fin de son parcours en Afrique. Mais, encore, faudra-t-il que ces Africains et les Barundis en particulier s’y intéressent. ?
Le Burundi fut écrasé par trois cycles de démonstrations de force à savoir : la période militaire d’occupation aboutissant à la reddition de Mwezi par le scélérat traite du 06 juin 1906. Ensuite la période dite de pacification pour affermir l’autorité allemande et enfin les engagements de la première guerre mondiale
A. La pénétration allemande au Burundi
C’est à la suite de la Conférence de Berlin de 1885, que les Allemands, conduits par von GOTZEN, envahirent militairement le Burundi par le poste de Kajaga. Ils n’avaient ni lettre d’invitation, ni prise en charges. Ils étaient des intrus et furent accueillis avec la même intensité d’inimitié. Un engagement militaire s’en suivit entre les guerriers du roi Mwezi « Abadasigana » que commandait Mamfu et le contingent allemand voulant ramener le roi Mwezi sous leur respect. Apres les combats féroces et héroïques autour de la colline stratégique de Ndago, le roi Mwezi Gisabo signa le 6 juin 1906 la reddition à Kiganda.
B. La pacification
Au delà de cette date, l’Allemagne mena une répression contre les dissidents de Mwezi dans le nord-est du Burundi, dont les récits regorgent encore d’honneur et de tragédies en dépit des rappels à la modération de Berlin. La pacification dans le Bweru se termina par la décapitation de Kanugunu et sa tète remise comme trophée au roi Mwezi et faute de capturer Mbanzabugabo et Busokoza, la campagne fut clôturée par la pendaison et la tuerie sous les balles des mitrailleuses des askaris de Digi-Digi de plus de 400 personnes à Kibazi (Commune Bwambarangwe) et Tangara (Commune Gashikanwa) dont la plupart étaient de lignages hutus (Abahanza). Quand à Maconco, rattrapé par les Allemands, il fut pendu à Bujumbura. Rusengo fut destitué, au bénéfice de son fils Kinyamazinga. Kilima fut exilé au Malawi.
C. La guerre 1914-1918
La population burundaise n’eut pas à souffrir des seuls Allemands, elle reçut aussi son coup des troupes belges. La guerre a de dures épreuves et rien n’avait préparé cette population au demeurant paysanne à y faire face. Elle assista impuissante à la destruction de son cheptel par l’introduction de la mouche tsé-tsé dans la région du Bugesera, à la pratique de razzia ou de la terre brûlée, aux viols de leurs femmes et leurs enfants commis par les hommes de troupes belges et les askaris africains recrutés de Zanzibar, à l’enrôlement des jeunes, la réquisition des vivres, le portage, sans oublier les dérapages génocidaires qu’ils furent autorisés ou eurent toléré (les génocides de 1915, contre les Benengwe, les Bavubikiro, les Bazigaba, les Bashoma), et les exodes répétitifs des populations avec la trilogie chronologique (guerre - épidémie - famine).
Un de griefs importants à mettre sous la responsabilité de l’Empire allemand est celui d’avoir semé le premier les germes de la cristallisation et du racisme, d’avoir fait interpréter les composantes de la société burundaise en termes d’ethnies et de races, d’en avoir fait élaborer les statiques, les caractériologies, leurs origines et peuplements, sans oublier la véhiculassions des théories et autres exégèses aussi racistes que grotesques par les ethnologues de l’époque tels Chekanowiski, Hans Meyer, le Résident Dr. Kandt, etc.
Les accusations contre l’Allemagne existent et se fondent sur le prescrit de l’article 245 du Traité de Versailles qui stipule « Les puissances alliées et associées, en exigeant que l’Allemagne renonce à tous ses droits et titres sur des possessions d’Outre-mer, ont tenu compte tout d’abord, des intérêts des populations indigènes, dont le Président Wilson à pris défense en promulguant les quatorze points de son message du 8 janvier 1918. Il suffit de rappeler les témoignages allemands officiels et privés d’avant guerre et les accusations formulées au Reichstag principalement par Mr Erzberger et Noske, pour se faire une idée sur les méthodes d’administration coloniales, de la cruelle répression qu’elles ont exercées, des réquisitions arbitraires en vivres, de système de portage, des différentes formes de travail forcé qui eurent dépeuplé d’immenses étendues dans l’Afrique Orientale et du Cameroun, sans oublier le sort tragique des Hereros et Ndamas dans le sud-ouest africain connu de tout le monde entier, la répression sanglante contre les Héhés lors de la révolte des Maji-Maji inspirée et animée par les musulmans ( au sud de la Tanzanie) en 1905-1906, les massacres en Avril 1908 dans le nord-est du Burundi, le massacre des populations, le viol des femmes et des enfants par les troupes rappelés de Bukoba et Tabora à la rescousse lors de la campagne de pacification dans le Bweru »
Outre les amputations du Burundi des territoires du Bushubi en 1890, le Bunyabungo le 14 mai 1910, le Bugufi en 1919, on vit dans bon nombre de huttes des tas d’ossements humains, derniers vestiges des familles disparues. Parfois un des membres rescapes végète à coté des restes des siens qu’il n’a pas eu la force de traîner à l’extérieur, ni d’appeler au secours le voisin subissant le même sort ou disparu. Chaque chose ayant une fin, quelles récompenses le Burundi a-t-il reçu pour ses efforts de guerre aux cotées des Alliées et Associées ?
A quand donc la réparation par l’Allemagne et la Belgique de tous ces crimes et autres violations humanitaires qu’elles ont commis contre le peuple burundais pendant leur occupation, et la commémoration de nos morts laissés sans tombes ni sépultures dignes et dont l’unique souvenir est l’oubli ?
Simon Simbananiye
5/8/2014