Bujumbura, le 30 avril 2019 (Net Press) . Il était vers 19h45 de ce lundi lorsque le reporter de Net Press, Norbert Rucabihari, a été arrêté par deux éléments de la police au centre-ville dans un endroit communément appelé kiosque Brarudi. Il assistait à un scénario macabre de deux policiers qui malmenaient un jeune vendeur d’œufs. Ils les avaient même cassés.
Le jeune implorait les policiers de ne pas l’emprisonner car, d’une part, il est orphelin de père et de mère, ensuite, c’est lui qui nourrit toute la famille. La vente de ces œufs se fait après l’école pour pouvoir survivre et avec ce comportement des policiers, il y avait beaucoup de risques qu’il abandonne ses études.
Comme tout autre citoyen ému, le journaliste est intervenu et les mêmes policiers se sont précipités sur lui, ont passé des menottes sur ses bras avant d’être brièvement interpellé. Voulant connaître son identité, ils ont fouillé dans sa poche et y ont trouvé une attestation de service.
Ils l’ont grondé pour n’avoir pas décliné son identité à temps mais il a répondu que ce qu’il a fait n’est pas le propre des journalistes, que n’importe quel homme responsable pouvait intervenir. Ils l’ont vite relâché et se sont volatilisés dans la nature.
De leur côté, les défenseurs des droits de l’homme évoquent des allégations de violations et des violations des droits de l’homme qui ont été enregistrées comme la semaine dernière. Au moins 9 personnes ont été tuées 13 autres torturées tandis que19 personnes ont été arrêtées arbitrairement, sans oublier 1 victime de violences basées sur le genre. Parmi les victimes identifiées, figurent 1 femme arrêtée.
Des jeunes affiliés au parti aux affaires, des policiers, des agents du Snr et des administratifs sont pointés du doigt comme étant des présumés auteurs de la plupart de ces violations des droits humains.
Spécial : commémoration du 47 ème anniversaire du génocide de 1972
Le passé douloureux et sanguinolent du Burundi devrait pousser tout citoyen épris de paix à œuvrer pour la recherche d’une solution durable basée sur un projet de société consensuel pour les deux communautés vivant dans notre pays. Malheureusement, la suite des tragédies de 1965, de 1972 et de 1988 n’a pas empêché que les relents d’exclusion et d’exécution massive réapparaissent en 1993. A cette période, des Tutsi furent systématiquement massacrés par leurs voisins Hutu, un génocide savamment préparé fut exécuté au grand dam de la communauté internationale. Et loin de servir de leçon pour le peuple burundais afin de congédier le génocide pour le « plus jamais ça », la haine ethnique continue d’être distillée et déversée dans la mémoire de la population burundaise.
Au finish, le peuple burundais, qui n’a jamais tenté de s’asseoir ensemble pour parler de cette tragédie précise, a développé deux lectures, selon que l’on est Hutu ou Tutsi et jusqu’à présent, chacun campe sur sa position, à l’exception peut-être de la répression qui a suivi la date du 29 avril 1972. Nous livrons ici une autre version des événements de 1972, une lecture totalement différente de celle du Collectif des Hutu de 1972.
Conception et planification du génocide de 1972
A cette période, le Burundi était profondément divisé car, les événements de 1969 et de 1971 avaient radicalisé les esprits. Les Hutu dont une grande majorité était mobilisée derrière leur leader charismatique, Rémy Gahutu, qui voulait coûte que coûte initier une révolution sociale à la rwandaise, avaient frénétiquement absorbé le virus de division.
Dans sa conception, le génocide de 1972 contre les Tutsi fut planifié par le parti UBU (Umugambwe w’Abakozi b’i Burundi). Il avait associé le haut commandement de la gendarmerie et quelques éléments de l’armée. L’on citerait à titre d’exemple les commandants Marcien Burasekuye, Martin Ndayahoze, Misago et Zacharie Harerimana. Du côté des civils, on évoque les noms de Pascal Bubiriza, de Marc Ndayiziga, de Cléophas Mbasha, d’Ezéchias Biyorero et de Rémy Gahutu.
Des slogans mobilisateurs aux relents génocidaires avaient été scrutés et enseignés à la population hutu pour tuer indistinctement tout Tutsi, à commencer par les hommes puis les garçons, suivis de femmes et des enfants, tout en veillant à éventrer même les femmes enceintes pour se rassurer que le République du Soleil levant, nom donné au Burundi sans tutsi, sera un pays totalement constitué uniquement d’une seule composante ethnique : des Hutu.
Des armes blanches avaient été préalablement distribuées aux Hutu pour tuer leurs voisins tutsi. Avec l’aide des pays voisins du Burundi et de certaines Ongs étrangères, des machettes furent distribuées pour liquider les Tutsi du Burundi. La Tanzanie, certains religieux catholiques comme protestants et l’Aider, une Ong américaine, ont joué un rôle crucial dans l’exécution du génocide contre les Tutsi du Burundi.
Mêmes des drogues avaient été prévues par les concepteurs de ce génocide pour les livrer de force aux tueurs afin qu’ils puissent aliéner leur conscience et tuer le maximum possible de Tutsi. En plus, des fétiches pour la protection des assaillants contre les armes à feu, des forces de l’ordre en cas d’intervention, leur ont été distribuées.
Pour bien mener cette sale besogne, des cotisations à travers tout le pays avaient été collectées, ce qui était un signe qui ne trompe pas que la population était mobilisée pour cette cause. L’adhésion clandestine à ce plan génocidaire fut effective dans la discrétion totale de la population à tel point que le pouvoir en place ne distilla rien d’anormal.
Cette planification avait fait penser à la création d’un « Burundi nouveau » baptisé « la République du Soleil levant ». Même des insignes distinctifs d’une république avaient été mis en place par les concepteurs de ce génocide à savoir : un nouveau nom du Burundi, une monnaie nationale avec effigie, un drapeau, etc.
Des éléments étrangers recrutés parmi les Mai Mai et les sécessionnistes congolais de Pierre Mulélé avaient été associés pour commettre le génocide contre les Tutsi du Burundi dans un laps de temps.
Appels au génocide lancés par le parti UBU
Le parti UBU était dirigé par Rémy Gahutu. Comme à l’image de la révolution rwandaise, Gahutu avait prévu le coup d’envoi de ce génocide baptisé, non pas « la Toussaint », mais « la Pentecôte » burundaise. Des tracts avaient été ramassés dans toute la plaine de la Rusizi et du Lac Tanganyika, à Gitega et dans la province de Ruyigi.
Mais à Mabanda, Vugizo en province Makamba et à Vyanda en province de Bururi qu’on rencontra des drapeaux hissés par le parti UBU et le premier manifeste qui appelle les Hutu patriotes et vaillants à liquider indistinctement les Tutsi libérés en ces termes : « rivalisons de courage par la compétition pour qu’aucun Tutsi ne puisse échapper à la mort. N’emprisonnez personne, rassurez-vous que tous les Tutsi sont morts ».
Cet endoctrinement de la population hutu par un enseignement de la haine ethnique a fait ses preuves car des dizaines de milliers de Tutsi furent systématiquement tués par la population hutu dans la plaine de l’Imbo à Rumonge, Nyanza –Lac, Makamba, Vyanda, Gitega, Ruyigi, Cankuzo etc.
Un coup d’envoi mal interprété.
Les concepteurs du génocide des Tutsi en 1972 avaient organisé des soirées dansantes sur tous les chefs-lieux des provinces et des communes pour qu’aucun fonctionnaire et commerçant tutsi ne puisse y échapper. L’heure de début des opérations était prévue le 29 avril à 22 h.
Une large mobilisation des personnes évoluées avait fait boules de neiges dans tout le pays. Des stocks en boissons étaient constitués pour qu’on ne manque pas à boire. Durant cette nuit, des boissons furent agréablement offertes aux fonctionnaires et commerçants tutsi sans qu’ils ne se rendent compte de cette générosité inhabituelle de la part de leurs camarades hutu.
La machine à broyer n’attendait qu’un coup de sifflet pour être mise en marche. Tous les Hutu en soirée dansante qui avaient caché les armes dans des salles à côté, attendaient l’heure convenue.
Toutes les institutions de la République et tous les fonctionnaires et hommes d’affaires burundais s’étaient donnés rendez-vous au mess des officiers de Bujumbura, y compris le président de la République d’alors, le colonel Michel Micombero.
Soudain, les assaillants armés de machettes et de fusils sous le commandement du capitaine Cyriaque Ntavumba et du lieutenant Cassien Ndayiziga, attaquèrent non pas à 22h mais à 20 h, leurs compagnons d’armes et l’officier de garde du président, le capitaine Dodolin Kinyomvyi, pris par mégarde pour Micombero à 20h 30 minutes au niveau de l’actuel office militaire de construction (Omc). Ce dernier fut tué sur le champ. Alors, la soirée dansante fut arrêtée et les militaires sortent de leurs casernes pour repousser les assaillants.
Un monument du soldat inconnu fut érigé, non loin de la cathédrale Régina Mundi, en mémoire des militaires tutsi tombés sous les balles de leurs compagnons d’armes, victimes uniquement d’être nés Tusti.
Le roi Ntare V, victime de l’inconscience du régime Micombero
En 1972, la première République de Michel Micombero venait de passer 6 ans aux affaires sans aucune référence d’exercice de pouvoir. Ainsi, après le procès des Banyamuramvya accusés de fomenter un coup d’Etat en 1971, Michombero et ses courtisans ne tarissaient pas de trouvailles pour les qualifier de monarchistes, seuls ennemis de la République.
Bien que des tracts furent éparpillés et ramassés sur une grande partie du pays, Micombero ne mit pas d’intérêt sur d’éventuelles attaques menées par des éléments venus de l’extérieur du pays. Il se hâtât plutôt d’envoyer un émissaire diplomatique pour négocier l’extradition du jeune roi Ntare V pourtant détrôné par lui – même.
Le long calvaire pour Ntare V commença alors. Il fut extradé sur Bujumbura et Micombero reçut le colis avec enthousiasme car il croyait résoudre le problème de sécurité. Le jeune roi Ntare V fut mis aux arrêts dans une ruine située en bas du palais de son père, le roi Mwambutsa IV, Bangiricenge. Quelques jours après, il fut lâchement assassiné par des militaires envoyés par Micombero et sera jeté dans une fosse non loin de l’hôpital de Gitega.
L’auto couverture ou l’autoprotection des dirigeants de l’époque n’a pas permis un moindre filtre de la réalité sur les exécutants de ce crime abominable alors que le commandant du premier bataillon commando d’alors était supposé avoir eu le premier, l’ordre et le rapport d’exécution du jeune Ntare V.
Ntare V fut accusé d’animer une insurrection contre la République et Micombero ne se rendra compte que plus tard qu’il s’était trompé d’ennemi. Mais le moins que l’on puisse dire est que le responsable de ce crime d’Etat devrait tout au moins indiquer le lieu où on a enterré ce jeune monarque pour déterrer ses restes et les enterrer dignement.
La répression aveugle de l’élite hutu
Après le massacre à grande échelle des Tutsi par les Hutu aidés par les Mai Mai et les Mulélistes, la République de Michel Micombero s’adonna à l’arrestation de l’élite hutu composée de fonctionnaires, de militaires, de gendarmes, d’étudiants et d’élèves du secondaire qui furent systématiquement tués en 1972.
Sur les collines de l’intérieur du pays, des rondes nocturnes furent instituées et montées par les Upronistes en tête desquels, la jeunesse révolutionnaire rwagasore (Jrr). Des listes d’ennemis de la paix furent constituées et des camions furent régulièrement envoyés et convoyés par un ou deux militaires ou gendarmes vers le chef-lieu de la province ou de la commune pour y être tués.
Cette répression aveugle de Hutu innocents a fait une centaine de milliers de victimes dans tout le pays même dans des provinces où les massacres n’avaient pas préalablement eu lieu. Pendant ce massacre de Hutu, il n’était pas rare d’assister à la mort de Tutsi non originaires de Bururi pour un simple règlement de comptes. Les noms de certaines autorités provinciales d’alors qui se sont adonnées à ce crime odieux ont été avancés sans que les pouvoirs qui se sont succédé dans notre pays ne lèvent même le petit doigt pour les punir.
Un génocide inavoué
Depuis que cette tragédie a endeuillé notre pays, les autorités burundaises se sont murées dans un mutisme outrageant pour trahir notre histoire. De Micombero à Ndayizeye en passant par Bagaza, Buyoya, Ndadaye, Ntaryamira, Ntibantunganya et Buyoya II, tout un bon nombre de régimes se sont succédé du haut de la République.
Pourtant, aucun n’a fait preuve de courage pour procéder à l’identification des bourreaux et des victimes. Même après la signature des accords d’Arusha, ceux qui étaient aux commandes n’ont pas voulu mettre en place la commission vérité- réconciliation dotée d’un tribunal pénal pour juger les coupables. Pour plus d’efficacité et d’impartialité, il était prévu dans les mêmes accords d’Arusha que ladite commission comprendrait des personnes étrangères et nationales.
Cette mauvaise foi des régimes qui ont dirigé notre pays n’a fait qu’agrandir le fossé déjà creusé dans les esprits des Burundais. C’est ainsi que la lecture et l’interprétation de l’histoire sanglante de notre pays sont différemment faites selon qu’on est Hutu ou Tutsi.
Les Hutu dans leur entendement estiment que le génocide de 1972 a été commis contre eux sans pousser plus loin l’imagination et accepter que le génocide se planifie. Les étapes de préparation jusqu’à l’exécution du génocide sont là pour être interrogées afin d’éclairer l’opinion.
Pour le moment, même si une commission a été mise en place, l’on déplore que sa composition fut biaisée et qu’elle ne reflète pas l’esprit et la lettre d’Arusha, d’où la divergence de point de vue et de considération de ce qui s’est passé à partir du 29 avril 1972 selon qu’on est Hutu ou Tutsi.
30 avril : date-souvenir de l’assassinat d’une quarantaine de séminaristes de Buta
Le 30 Avril 1997, un petit matin vers 5h 30, une bande armée du C.N.DD. (Conseil National pour la Défense de la Démocratie) a attaqué le Séminaire de Buta tuant du même coup 40 élèves dans un dortoir toutes ethnies confondues.
Ce fut une consternation générale dans tout le pays et dans le monde entier. Même le Pape Jean-Paul II a lui-même envoyé un message de condoléance à l’Evêque du diocèse de Bururi, se joignant ainsi à toute l’Eglise du Burundi en deuil.
En effet, ces 40 séminaristes (âgés entre 15 et 20 ans) sauvagement assassinés dans leur sommeil matinal appartenaient à plusieurs diocèses du Burundi. Cette attaque a suscité d’autant plus d’émotions que le Séminaire de Buta s’était rendu célèbre par la sauvegarde de l’unité entre les deux ethnies (Hutu et Tutsi) depuis le début de la guerre civile, en Octobre 1993.
Après les vacances, du 20 au 24 Avril 1997, la classe de seconde, comme on le fait chaque année, avait une retraite de discernement de leur vocation avec les membres du Foyer de Charité de Giheta. A la fin de la retraite, cette classe animée d’un esprit tout à fait nouveau semble avoir lancé le coup d’envoi de la préparation à cette mort sainte de ces innocents. Pleins d’allégresse et de joie, ils n’avaient qu’un mot à la bouche : " Dieu est bon, nous l’avons rencontré ". Ils parlaient du Paradis comme s’ils en venaient, du Sacerdoce comme s’ils venaient d’être ordonnés prêtres tout de suite.
La veille de leur mort, beaucoup n’ont pas travaillé, ils priaient plutôt, ils encourageaient ceux qui avaient peur de mourir, c’est le seul moyen d’arriver au ciel, disaient-ils.
Quand le lendemain, les assassins les ont surpris au lit, ils les ont sommés de se séparer, les " Hutu " d’un côté et " Tutsi " de l’autre. Ils voulaient tuer une partie mais les élèves ont catégoriquement refusé, préférant ainsi mourir ensemble. Leur projet diabolique ayant échoué, les tueurs se sont rués sur les enfants et les ont massacrés à coup de fusils et de grenades. C’est alors qu’on entendit certains élèves chanter des Psaumes de louange et d’autres parler en langue ou dire ; " Pardonnez-leur Seigneur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ". D’autres encore, au lieu de combattre ou d’essayer de se sauver, allaient plutôt aider leurs frères agonisant sachant bien qu’ils allaient subir le même sort. Les rescapés de ce massacre témoignent que ces élèves sont morts dans une sérénité hors du commun, avec paix, sans cris ni angoisse.
Leur mort fut comme un passage doux et léger de leur dortoir à un notre dortoir, sans douleur, sans bruit et sans peur comme ils l’avaient annoncé la veille. Ils sont morts comme des Martyrs de la fraternité honorant ainsi l’Eglise du Burundi dont beaucoup de filles et de fils ont été égarés par la haine et la vengeance ethnique.
Le Mémorial de ces Martyrs de la fraternité est baptisé : " Marie Reine de la Paix "
Ce Sanctuaire, depuis ce jour, est le lieu de pèlerinage où les Burundais viennent prier pour la réconciliation du peuple burundais, la paix, la conversion et l’espérance pour tous. Puisse leur témoignage de foi, d’unité et de fraternité porter loin et leur sang devenir une semence pour la paix dans notre Pays et le monde entier. C’est un espoir pour les hommes et les femmes qui nous oblige tous à vaincre toute provocation, tout soupçon et toute forme de division.