Marie Soleil Frère. Elle était chercheuse, professeure, vice-rectrice aux relations internationales et à la coopération au développement de l’ULB et directrice de recherche au F.R.S.-FNRS.
Elle a consacré ses recherches à la place et au rôle des médias dans les évolutions politiques en Afrique francophone. Elle a été aussi expert associée à l’Institut Panos Paris et a été impliquée dans la mise en oeuvre de nombreux projets d’appui aux médias en Afrique. Elle a publié "Presse et Démocratie en Afrique francophone" (Paris, Karthala, 2000), "Médias et Communications sociales au Burkina Faso" (Paris, L’Harmattan, 2003), "Afrique Centrale. Médias et Conflits. Vecteurs de guerre ou acteurs de paix" (Bruxelles, Editions Complexe, 2005), « Elections et médias en Afrique centrale. Voie des urnes , voix de la Paix ? » (édition Karthala,2010) et « Les Journalismes d’Afrique » (2020).
Marie Soleil Frère est décédée le 19 mars 2021 et une année après, elle brille toujours dans l’esprit de ceux et celles qui l’ont côtoyée. C’est à cette occasion que la rédaction de Net Press a conçu une interview imaginaire avec l’illustre disparue. Nous allons utiliser NP en lieu et place de Net Press et MSF à la place de Marie Soleil Frère.
Marie Soleil Frère aux Côtés de son mari Etienne et de ses enfants
NP. De votre vivant, vous aviez toujours de bonnes relations avec tous ceux qui ont collaboré avec vous. Quel était votre secret ?
MSF. Ecoute Jean-Claude, je suis née au Canada mais j’ai grandi en Belgique, c’est ici que j’ai fait mes études, j’ai rencontré plusieurs personnes sur les deux continents avec de grandes divergences. J’ai ensuite découvert l’Afrique où j’ai rencontré l’homme de ma vie, Etienne, plus précisément au Burkina Faso.
Vous savez également que j’ai travaillé pour Institut Panos Paris. C’est là que j’ai rencontré Pascal Berquet, Philippart, Domithile Duplat, Cyprien Ndikumana du Burundi, Gilbert Maoundonoji du Tchad, Chantal Aziza Bangwene, Yves Kalikat de la République Démocrtique du Congo et JJM du Rwanda, etc. J’ai également eu le plaisir de rencontrer à Bujumbura la Française Christine et l’Allemande Anke. J’étais donc devenue une citoyenne du monde.
NP. Lors de vos recherches, vous vous êtes consacréé à la place et au rôle des médias dans les évolutions politiques en Afrique francophone. Quelles ont été vos principales conclusions ?
MSF. Il y avait une évolution positive et significative des médias en Afrique francophone, aussi bien en Afrique de l’Ouest qu’en Afrique Orientale, dont le Burundi fait partie. Les médias se sont montrés particulièrement dynamiques, surtout au début des années 2000. Ce dynamisme a été interrompu au Burundi par des crises politiques et sécuritaires qui ont frappé votre pays, notamment la crise de 2015 qui a vu plusieurs journalistes fuir leur pays.

Evidemment, ceux qui sont restés au Burundi ont été obligés de revoir leur façon de travailler, ils s’autocensuraient pour ne pas s’attirer des foudres des autorités politiques d’alors. Ces dernières étaient tellement énervées qu’elles ont condamné des journalistes à de lourdes peines, sous prétexte qu’ils ont été impliqués dans la tentative de renversement des institutions le 13 mai 2015.
NP. Vous aviez aussi des moments de loisirs et non uniquement de recherches.
MSF. Oui, je me rappelle une fois lorsque j’’étais au Burundi, à la veille de mon départ pour la Belgique, je suis allée dans une boîte de nuit appelée "Archipel", je ne sais pas si elle fonctionne encore. Lors des heures avancées, je me suis fait voler tout ce que je possédais, argent notamment. Heureusement pour moi, mon passeport n’avait pas été touché et j’ai pu voyager sans problème le lendemain.
NP. Il y a eu également des cas où des journalistes vous taquinnaient. Est-ce que cela ne vous gênait pas, surtout que vous étiez la seule blanche dans ce groupe d’Africains ?
MSF. Non, plutôt cela m’amusait. Je sais qu’à une époque, alors que j’étais à Bagamoyo (Tanzanie) avec des journalistes burundais, ils m’ont rappelé que la colonisation, -bege je veux dire - utilisait des lattes pour mesurer la longueur des nez des Burundais pour tirer la conclusion que tel était Hutu ou Tutsi.
En guise de revanche, ces journalistes ont pris une latte et se sont mis à mesurer la longueur de mon nez, mais ils ne m’ont jamais fait part de leur conclusion. Et au Kenya, il y avait un journaliste congolais, prénommé Roger, qui était gravement malade et quand je le cherchais pour assistance, il se cachait.
Nous étions dans les vastes bâtiments des Nations Unies à Nairobi. Il a quitté le Kenya pour Bujumbura, ce qui m’a soulagée car pour moi, c’était un bon débarras. Je n’ai plus connu de ses nouvelles.
Sinon nous avions bien collaboré avec les journalistes africains, notamment en Tanzanie, lors du procès d’un journaliste rwandais, Hassan Ngeze, accusé de génocide dans son pays.

NP. Nous déplorons ton départ précoce car nous avions encore besoin de toi. Désormais, tous tes jours sont des dimanches, repose-toi en paix Marie Soleil, nous ne t’oublierons jamais. La rédaction de Net Press avait trouvé en vous une femme Merveilleuse, Amicale, Ravissante, Intelligente et Enviable. Tu es toujours notre Soleil, tu brilles pour nous et nous nous considérons toujours comme Tes Frères.
Propos recueillis par Jean-Claude Kavumbagu